L’Intelligence Artificielle : un défi à l’humain, imago Dei ?
par Patrick C. Goujon
Novembre 2022 : ChatGPT se faisait un nom. En quelques mois, cet « agent conversationnel » comme le désigne Wikipédia – il faut citer ses sources ! – a suscité plus d’un milliard d’interactions avec ses utilisateurs. Depuis, les scénaristes d’Hollywood se sont mis en grève… C’est dire l’ampleur des craintes qu’éveille ce moyen technique de fabriquer des conversations. Une machine pourrait donc voler la vedette aux créateurs, et par là réduire drastiquement leurs droits d’auteurs. On peut sourire, mais aussi s’interroger: création artificielle, concurrence entre humains et machines ; de quoi parle-t-on ? Les craintes sont-elles les bonnes pistes à suivre pour réfléchir ? Ironie du sort, ces « conversations » produites par ces machines sont (ne sont que ?, mais quel travail pour en arriver là !) le résultat de la digestion de centaines de scénarios, de récits, de textes, fruits de l’intelligence humaine : Chat Generative Pre-trained Transformer. Les mots comptent. Quelles transformations ces machines opèrent-elles vraiment ? Ces dernières, on le sait, ont acquis une capacité d’autoapprentissage avec laquelle aucun d’entre nous ne peut espérer rivaliser. En ingérant les artefacts créés par des hommes et des femmes pour en produire d’autres qui leur ressemblent, ces techniques ne font-elles que simuler des apparences d’œuvres humaines et de relations ? N’en viennent-elles pas ainsi plutôt à interroger des distinctions fondamentales entre le vivant et le non-vivant ? L’autre de l’humain, quel est-il ? Une machine qui lui ressemble et qu’il a créée de ses mains ? En viendrait-on à un rapport entre l’humain et ses machines analogue à la relation de l’humain à Dieu, homo imago Dei, machina imago hominis ? Si, dans un premier temps, Dieu semble biffé de cette équation, les discours sur l’IA font pourtant souvent référence à « Dieu », dont on peut se demander s’il n’est pas lui non plus qu’une vague image.