Quel lien y a-t-il entre le style, qui exprime un rapport au monde, et la théologie qui engage un rapport à Dieu ? Ce lien a été très fort dans le passé. À travers Augustin et le Pseudo-Denys, la pensée néoplatonicienne transmet au Moyen Âge le thème de la lumière intelligible. L’univers médiéval s’appréhende comme un cosmos transfiguré par la lumière de Dieu qui s’irradie sur toutes choses. Les Sommes théologiques baignent dans ce même symbolisme lumineux. Cependant, la pensée scolastique, sous l’influence de l’aristotélisme, prend une orientation divergente : le réalisme tend à séculariser la nature ; la clarté ne vient plus d’en haut, mais d’en bas, de l’objet : l’esthétique se détache du discours théologique, l’allégorie se libère du symbole en direction de l’imaginaire. Quel sens reconnaître à un tel cheminement marqué au sceau de notre modernité ? Un champ esthétique, devenu ainsi autonome, ne risque-t-il pas de se retrouver exclusivement voué aux jeux formels d’une fiction pure sur fond de néant de sens ? Non, car l’imaginaire exerce une « fonction métaphorique » et « ontologique » (Ricœur), qui ouvre vers un supplément de sens. Le style est une structure individualisante qui rend sensible, dans l’art, le jaillissement d’une vérité du monde qui se répète dans les diverses productions esthétiques d’une même aire culturelle. Un style peut donc être un « lieu théologique » porteur d’un certain rapport au sacré, au même titre que « trace séculière » de formes spirituelles les plus diverses. D’où l’éminente leçon de « L’art sacré » contemporain, attentif aux affinités, techniques et défis de la modernité et, partant, promis aux rencontres œcuméniques les plus enrichissantes.
Aesthetic style and theological site
What connection is there between style that expresses a relationship with the world, and theology that engages a relationship with God ? This connection was very strong in the past. From Augustine and the Pseudo-Dionysius, Neoplatonic thought transmitted to the Middle Ages the theme of intelligible light. The medieval universe is understood as a cosmos transfigured by God’s light irradiating all things. Theological Summas bathe in the same luminous symbolism. Under Aristotelian influence, Scholastic thought, however, takes a divergent orientation : realism tends to secularize nature ; clarity does net come from on high, but below, from the object ; the aesthetic detaches itself from the theological discourse, allegory frees itself from the symbol in the direction of the imaginary. What meaning can be seen in such a path that is marked with the seal of our modernity ? Does not the aesthetic field, that has become autonomous, take the risk of finding itself exclusively dedicated to formal games of pure fiction on a background of meaninglessness ? No, for the imaginary exercises a « metaphorical » and « ontological » function (Ricœur) that opens towards an increase of meaning. The style is a individualizing structure that renders sensitive, in art, the breaking out of a truth of the world that repeats itself in the diverse aesthetic productions of a same cultural space. A style can, therefore, be a « theological site » carrying a certain rapport to the sacred, and at the same time that « secular pathway » of the most diverse spiritual forms. From there comes the eminent lesson of contemporary « Sacred Art », attentive to the affinities, techniques, and challenges of modernity, and consequently, engaged to most enriching ecumenical encounters.
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