L’idéologie judéo-chrétienne et le dialogue juifs-chrétiens. Histoire et théologie

par David NEUHAUS

avril-juin 1997 - tome 85/2

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La volonté présente du christianisme de nouer un dialogue fraternel avec le judaïsme pose au premier le problème de reconnaître exactement l’identité du second, et d’interpréter correctement la judaïté de Jésus et la notion de « texte commun », présupposées à la base de cette rencontre. La religion de Jésus n’était pas encore ce qui allait devenir, après l’instauration du rabbinisme, la religion des juifs actuels, fondée sur la rédaction d’une Torah orale. Le judaïsme moderne et le christianisme sont à la fois en rupture et en continuité herméneutique avec l’Ancien Testament, mais ils ne le lisent pas avec la même clé d’interprétation, le second le lisant à partir de son « accomplissement » dans le Nouveau, le premier en fonction de son « ouverture » à une autre nouveauté, qui sera le Talmud. L’idée d’un « patrimoine commun » aux juifs et aux chrétiens est née, dans un premier temps, de l’idéologie des Lumières, créatrice d’une culture commune, «judéo-chrétienne », au prix d’une lecture « scientifique » et désacralisante de la Bible. Dans un second temps, l’Holocauste, qui détournait les juifs, orthodoxes ou sionistes, de cet « héritage commun », conduisait inversement de nombreux chrétiens à le revendiquer, dans un aveu de culpabilité à l’égard de l’antisémitisme, mais aussi dans la méconnaissnce de la différence inéluctable du peuple juif. L’idéologie du « commun » peut être un facteur de fermeture là où elle ne se vérifie pas (ainsi à l’égard du monde musulman) ou d’assimilation indue là où elle efface la singularité de l’un et de l’autre. On peut espérer du dialogue entre juifs et chrétiens qu’il suscite une authentique théologie de la rencontre.

Judeo-Christian ideology and the Jewish-Christian dialogue. History and theology

Today, the desire of Christianity to engage in a fraternal dialogue with Judaism poses the problem of encountering precisely the identity of the latter, and of interpreting correctly the Judaism of Jesus and the notion of « common text » which is presupposed at the basis of this encounter. The religion of Jesus was not yet that which it was to become after the installation of rabbinism, the religion of present day Jews, which was founded on the composition of an oral Torah. Modern Judaism and Christianity are, at the same time, in rupture and hermeneutic continuity with the Old Testament. But they do not read it with the same key of interpretation : Christianity’s reading sees its « accomplishment » in the New Testament, Judaism in function of its « opening » to another newness, which will be the Talmud. The idea of a « common patrimony » for Jews and Christians was born, in the first instance, of the ideology of the Enlightenment, creator of a common culture, « Judeo-Christian », at the price of a « scientific» and profane reading of the Bible. In a second stage, the Holocaust, which turned Orthodox and Zionist Jews away from this « common heritage », inversely led numerous Christians to vindicate it in an acknowledgment of culpability as regards anti-Semitism, but also in ignoring the ineluctable difference of the Jewish people. The ideology of the « common » can be a factor of closing dialogue when it is not verified (as in regard to the Muslim world) or of undue assimilation when it wipes out the singularity of each one. One can hope for a dialogue between Jews and Christians that promotes an authentic theology of encounter.

 

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