On peut être surpris de découvrir dans la réflexion contemporaine un plaidoyer en faveur d’une théorie théologique avancée par certains Pères, qu’on aurait pu croire définitivement disqualifiée et réduite à un vestige archaïque, en raison de son relent mythologique, à savoir la rançon que Dieu aurait payée au démon en échange de notre libération. Cette théorie, déjà fortement contestée à l’époque patristique, vient de trouver un avocat avec René Girard pour qui « les Pères grecs avaient raison de dire que, dans la Croix, Satan est le mystificateur pris au piège de sa mystification. » Le rôle des puissances sataniques avait déjà retenu l’attention de cet auteur dans Le Bouc émissaire, mais c’est dans Je vois Satan tomber comme l’éclair qu’il s’intéresse à ce thème patristique et tente de lui rendre une légitimité perdue. Derrière le besoin de compléter le point de vue des Pères, on devine un travail de réinterprétation où l’emprunt à la tradition ancienne risque de faire figure de pièce rapportée dans une version originale. Le rapport établi entre la croix avec la violence (ou le refus de la violence), tant par les Pères que par R. Girard, invite ainsi à un examen comparé, de manière à dégager la spécificité de deux systèmes de pensée, celui de Girard paraissant se situer à un tout autre niveau d’analyse que le souci simple et élémentaire qui habite les Pères lorsqu’ils recourent au mythe d’une tractation avec le démon afin de préserver Dieu du recours à la violence.
Violence and the ransom paid to the demon. A reinterpretation by R. Girard
It is surprising to find in contemporaneous reflection a plea in favor of a theological theory put forward by certain Fathers. One could have believed that it was definitively disqualified and reduced to an archaic vestige, and this by reason of its mythological bad odor, that is to say, the ransom that God would have paid the demon in exchange for our liberation. This theory, already strongly contested in the Patristic Age, came to find an advocate in René Girard for whom “the Greek Fathers were right to say that, in the cross, Satan is the mystifier caught in the trap of his mystification.” The role of Satanic powers already drew the attention of this author in Le Bouc émissaire [The Scapegoat], but it is in Je vois Satan tomber comme l’éclair [I Saw Satan Fall Like Lightening] that he takes up this patristic theme and tries to return a lost legitimacy to it. Behind the need to supplement the Church Father’s viewpoint, one suspects a work of reinterpretation, where barrowing from the ancient tradition risks giving the impression of a document retrieved from an original version. The relationship established between the cross and violence (or the refusal of violence), as much by the Fathers as by R. Girard, thus invites us to a comparative examination, so as to clarify the specificity of two systems of thought. That of Girard seems to place itself on a completely different level of analysis than the simple and elementary concern that resides in the Fathers when they appeal to the myth where a deal is made with the devil so as to preserve God from resorting to violence.
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