La théologie entre urgence phénoménologique et endurance herméneutique

Cet article entend réagir au défi lancé aux théologiens par le philosophe Jean-Luc Marion : « Pourquoi n’entreprennent-ils pas ou si peu (…) de lire phénoménologiquement les événements de révélation consignés dans les Écritures (…) au lieu de toujours privilégier des herméneutiques ontique, historique ou sémiotique ? » « Sauver les phénomènes » en leur reconnaissant le droit d’apparaître sans réserve, contrairement au privilège indiscuté reconnu aux processus d’objectivation, tel est le tournant radical que Marion préconise. Ainsi, la foi donne accès à des réalités données dont l’accueil réclame que soit levée, du côté du témoin, la censure préalable qui leur interdit d’apparaître. Cette perspective, a priori sympathique au théologien, lui pose néanmoins des questions, notamment concernant la passivité fondamentale à laquelle le phénomène semble réduire le témoin qu’il submerge.

Theology between phenomenological urgency and hermeneutical endurance

This article aims at reacting to the challenge laid down to theologians by the philosopher Jean-Luc Marion: “Why do they not, or so little, endeavour … to read phenomenologically the events of Revelation contained in Scripture … instead of always favouring ontic, historical or semiotic hermeneutics?” “Saving the phenomena” by recognizing their right to appear without reservation, contrary to the indisputable privilege attributed to the process of objectivation – this is the radical turning point proposed by Marion. Faith provides access to given realities, the reception of which requires setting aside, on the part of the witness, the prior censure that bars them from appearing. This perspective, which is a priori sympathetic to theologians, also raises questions for them, notably concerning the fundamental passivity to which the phenomenon appears to relegate the witness it submerges.