Théologie et Sciences Sociales
par Patrick C. Goujon et Dominique Iogna-Prat
Encore ?, se plaindront certains. Enfin !, soupireront d’autres. S’interroger sur les rapports entre la théologie et les sciences sociales ne cesse d’ouvrir de nouveaux débats, à moins que ce ne soit le même qui se poursuive. La crise moderniste toujours recommencée ? Ce trouble pourrait bien être le symptôme d’une indécision chronique de la théologie, du moins dans le catholicisme romain, à prendre parti pour l’historicité de la foi. Il faudrait alors expliciter les raisons pour lesquelles la théologie ne pourrait se décider quant aux relations qu’elle entretient avec les savoirs qui constituent les sciences de l’homme et de la société, quels que soient les qualificatifs retenus : sciences « humaines », à la française, ou sciences « sociales », à l’anglaise. La théologie ne ferait qu’instrumentaliser les sciences sociales, tirant profit ici ou là de données qu’elle emprunte à la sociologie, à l’histoire ou à l’anthropologie. À moins qu’elle ne recycle certains de ses concepts. Mais au fond, rien ne ferait bouger la théologie, science pérenne de la vérité dite une fois pour toute. Les sciences sociales n’ont pourtant pas de mal à montrer que la théologie s’est élaborée, et continue de le faire, dans des contextes variés qui ont marqué ses énoncés. Les notions d’orthodoxie et d’hétérodoxie n’échappent pas aux jeux de pouvoir qu’instaura l’Église ni à ceux dans lesquels elle se trouvait prise. L’histoire des dogmes ne peut se réduire au développement linéaire d’une tradition inchangée. Les énoncés christologiques de Chalcédoine ont dessiné un espace géopolitique toujours à vif. Les dialogues œcuméniques actuels qui négligeraient ce donné tournent court