Serge Margel
Université de Lausanne
Et maintenant, Seigneur, c’est déjà du passé, et avec le temps ma blessure s’est adoucie. Puis-je apprendre de toi qui es Vérité et appliquer l’oreille à ta bouche pour que tu me le dises, pourquoi les larmes sont douces aux malheureux, ou bien, quoique tu sois partout présent, as-tu rejeté loin de toi notre malheureux, et demeures-tu en toi, tandis que nous roulons dans les épreuves ? Et pourtant, si nous ne pleurions pas à tes oreilles, il ne resterait rien de notre espérance. D’où vient donc que sur l’amertume de la vie on cueille un fruit suave : gémir, pleurer, soupirer et se plaindre ? Y aurait-il là de la douceur, parce que nous espérons que tu entends ? C’est bien ainsi que les prières qui impliquent en effet le désir de parvenir au but mais dans la douleur d’une perte et dans le deuil où j’étais alors plongé (num in dolore amissae rei et luctu, quo tunc operiebar) […] ? Bien sûr, je n’espérais pas qu’il revécût, et mes larmes ne demandaient pas cela : simplement, je souffrais, et je pleurais, oui, j’étais éperdu et j’avais perdu ma joie. Ou serait-ce que les larmes sont choses amères, et que pourtant, par dégoût des choses dont nous jouissons auparavant et dont nous nous écartons, alors, avec horreur, elles font plaisir (et tunc ab eis abhorremus, delectat) ?
Saint Augustin, Confessions, IV, V, 10
L’invention des larmes
La notion de mystique comporte plusieurs niveaux de sens. On peut se demander quel rôle joue la tradition mystique dans le champ des sciences sociales et religieuses. On peut s’interroger sur la manière dont ces sciences traitent la documentation mystique (iconographies, archives, témoignages), pour l’ériger en objet de savoir, ou pour établir les conditions d’une science mystique. Mais on peut aussi poser la question des termes et de leur traduction, donc en aborder la notion comme un problème lexical. C’est la différence entre « mystique » comme adjectif et « mystique » comme substantif. À vrai dire, « mystique » est d’abord un adjectif. C’est un terme utilisé dans l’exégèse allégorique des premiers Pères de l’Église, comme Origène, pour parler de la connaissance des mystères et leur contemplation, donc pour signifier ces mystères, mais aussi pour entrer en relation avec ce qu’ils signifient…
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